Quelle hypocrisie ...
La France est un pays très administratif, tout le monde s'en rend compte. Je ne vais pas refaire le détail du fiasco des démarches effectuées après la naissance sans vie de notre fille (les courriers de félicitations, le refus de mon congé maternité ... Bref ! ) mais cette même administration a pour moi de grandes contradictions que je ne m'explique pas.
Depuis la mort de notre fille, je découvre un monde à part, un monde dans lequel des parents sont confrontés à l'insupportable, une fois, deux fois, trois fois ou plus. Mais au delà de cette douleur, certains parents sont dans l'obligation de prendre la décision d'interrompre leurs grossesses. Oui, j'ai découvert ça avec horreur. Comment peut-on accepter la mort de son enfant, comment se résigner au point de se dire qu'il s'agit là de la seule issue possible?
Malheureusement, c'est le revers de la médaille : avec une médicalisation de plus en plus présente et des techniques d'imagerie de plus en plus performantes, les professionnels qui suivent les grossesses (obstétriciens, sage-femmes) sont parfois les témoins d'une nature imparfaite.
J'ai été choquée de constater qu'il y avait autant de parents endeuillés de nos jours. Certains, comme nous, ont été mis face à la mort, d'autres pratiquent ce qu'on appelle une Interruption Médicalisée de Grossesse ou des Interruptions Sélectives de Grossesse. dans le cas d'une grossesse multiple. Quand on cherche le sens de ces actes médicaux, on a déjà envie de pleurer : sans espoir, affection d'une particulière gravité, incurable, sélection...
Je ne peux pas me mettre à la place des parents qui ont eu cette décision à prendre et je ne les juge pas du tout, mais en aurais-je été capable moi-même? Comment peut-on être en mesure de décider, d'avoir ce pouvoir de vie ou de mort sur son enfant? Je suis déjà passée par l'enfer, je ne voudrais pas devoir y rester ...
Les raisons qui amènent à des ISG ou IMG sont multiples : une maladie incurable, une malformation non-viable, une risque vital pour la mère, la santé des autres foetus ... Je conçois parfaitement qu'on veuille épargner des souffrances à des êtres déjà si fragiles quand on sait qu'il n'y a pas d'espoir. Mais cette situation ne vous rappelle-t-elle pas une autre? Sans vouloir faire de politique ni de propagande, quand on me parle d'IMG ou d'ISG, je ne peux pas m'empêcher de penser à "fin de vie dans la dignité". Je sais, un foetus n'est pas un être juridique à part entière, je suis bien placée pour le savoir, ma fille n'a pas de nom de famille mais elle entre dans la catégorie des enfants viables (aberration???).
J'ose espérer qu'on est encore loin de l'eugénisme mais j'ai tout de même peur d'éventuelles dérives, qu'on veuille tout de même mettre fin à la vie de foetus viables mais sévèrement handicapés par exemple. J'ai du mal à concevoir qu'on ait droit de vie et de mort sur une personne à naître et qu'on ne puisse pas utiliser ce même droit sur une personne sur le point de mourir. La loi a a priori suffisamment encadré la procédure pour les foetus pour éviter les dérives, alors pourquoi ne pourrait-on pas le faire à l'inverse. Il y a quelques temps, on m'a raconté l'histoire d'une personne a qui on avait diagnostiqué une sclérose en plaque : cette personne s'est pendue peu de temps après. D'après vous, pourquoi? J'ai bien une petite idée...
Tout ça pour dire que je compatis sincérement avec toutes les personnes confrontées de près ou de loin à la mort, aussi soudaine ou préparée soit-elle. Je trouve simplement que le système est mal fait, en terme d'égalité et de respect.
Mais les choses évoluent alors il y a de l'espoir !